Le comédien voix professionnel Jacques Obadia retrace en détail ses expériences les plus marquantes et les différentes étapes de son parcours dans le domaine audiovisuel.
Pourquoi avez-vous décidé de travailler dans la voix ?
J'avais ça dans le sang depuis mon enfance, c'était une évidence ! Jouer, interpréter, lire à haute voix, créer des personnages... cela a toujours été une passion. Enfant, je regardais beaucoup de documentaires sur les chaines pédagogiques au Canada, et je connaissais les pubs par cœur. J'imaginais que la voix que l'on entendait à la TV, c'était moi !
Depuis, j'ai entrainé mon oreille et mes cordes vocales, et j'ai beaucoup voyagé. Je remarquais toujours les différentes cultures de radio et de TV partout où j'allais. Je viens d'une famille trilingue (Français/Anglais/Espagnol) donc la musique des mots est très riche chez nous.
Quels types de projets sont vos favoris ?
J'adore les documentaire (narration ou voix-off), car j'apprends énormément et je sais que les gens qui vont regarder vont aussi se nourrir de tout cela.
J'aime beaucoup les jeux vidéo car y a beaucoup de cris et de voix puissantes et je suis à l'aise avec ça.
J'adore aussi les films institutionnels, car j'en ai fait tellement que ça va vite et ça passe tout de suite bien !
Votre projet le plus fun ?
J'ai adoré doubler les chansons de la série "Rudy à la craie" (Chalkworld en VO) sur la chaîne Nickelodeon. Il y avait entre 40 et 50 épisodes pour une saison complète ! C'est moi qui avait traduit et adapté les chansons de l'anglais vers le français, et j'ai eu la chance d'avoir une super équipe de chanteurs et de chanteuses au studio Chinkel pour réaliser ces doublages chantés. J'ai fait une partie des voix et une partie des chœurs. C'était très intense et très fun !
J'ai aussi adoré le dessin animé "Gnark" avec David Gasman en DA, et de nombreux jeux vidéos avec Emmanuel Bonamy en DA.
Un projet catastrophique ?
Je me souviens d'une séance très difficile en pleine canicule, où il faisait 40 degrés dans la cabine… L'ordinateur a surchauffé et est tombé en panne en pleine séance... On a finit avec une tablette !
Ceci dit, je n'ai jamais vraiment eu de projet catastrophique. J'ai toujours réussi a rattraper le coup ou bien je m'étais préparé d'avance pour éviter les problèmes. Toutefois je dois avouer que c'est très pénible quand il n y a pas de ponctuation dans les textes… ou que les traductions du français vers l'anglais sont très mal faites et qu'il faut tout corriger.
La meilleur manière de gérer ce genre de situation, c'est de travailler entre professionnel-les avec des personnes compétentes, de prévoir à l'avance les éventuels problèmes, et de faire bien du premier coup pour gagner du temps, de l'énergie et du budget !
Parlez-nous d'un personnage que vous avez adoré incarner.
J'ai adoré faire un robot rebelle dans un gros jeu vidéo AAA. Le rôle était très intéressant, car au fur et à mesure du jeu le personnage commençait à avoir des remords et des sentiments. Au début c'était un robot froid avec une voix mécanique et très grave. Puis, il ne voulait plus être une machine de guerre, un meurtrier... alors sa voix évoluait et il se retournait contre sa hiérarchie pour sauver des vies ! Ce qui est génial aussi c'est que j'étais allé faire la voix directement à Londres dans un super studio.
Comment gérez-vous le stress et la pression ?
Je fais ce métier de comédien voix depuis plus de 15 ans, et je suis dans le monde de l'audiovisuel depuis plus de 30 ans. Ça fait donc bien longtemps que je ne suis plus stressé ni sous pression ! Bien sûr, à chaque séance je sens un certain enjeu, mais c'est du stress positif, une forme de désir.
Pour m'aider dans la vie de tous les jours, je fais du sport, je médite, je danse, je joue de la flûte, et je pratique des techniques de respirations profondes qui m'aident a rester zen.
Comment se préparer à une séance d'enregistrement ?
Peu importe le type de séance, longue ou rapide, je mets toutes les chances de mon coté pour que ça se passe bien !
La veille, je me couche tôt pour être en pleine forme. Si j'ai le texte à l'avance, je le lis et je prends des notes. Je vérifie que le client me donne le bon brief : De quoi s'agit-il ? Quel est le sujet ? À qui cela s'adresse-t-il ? Pour quel média ? Pour quel pays ? En quelle langue ? Le client a-t-il une référence ou un exemple ? Quand j'ai été choisi, quel est mon extrait audio qui leur a donné envie de me choisir ?
Le jour même de la séance, je fais de la relaxation, et un échauffement physique et vocal assez simple. Et surtout, pas de café avant, pas de sucre, pas de banane… bref, rien qui risque de créer des bruits de bouche. Je vérifie aussi mon confort : lumière, chaise, casque, taille de la typo du texte et choix de fond pour que ce soit bien lisible.
Selon vous, que faut-il pour travailler dans ce secteur ?
Au-delà du talent, il faut surtout aimer ce métier, aimer communiquer, servir les textes, respecter précisément les briefs, tout donner dans la séance et avoir la capacité de gérer son énergie afin que toute l'équipe soit satisfaite. Aussi, il faut savoir comprendre les besoins des clients et les nuances de styles entre chaque produit audiovisuel. Savoir respecter les habitudes du métier ou aller vers l'originalité si besoin. Être rapide et efficace ; généreux dans ses propositions, patient et endurant quand il y a de gros projets. Et bien sûr, la ponctualité va de soi, et le respect de la confidentialité aussi !
Des conseils pour quelqu'un souhaitant démarrer ?
1- Se former en tant qu'artiste (comedien-ne, chan-teur-teuse, danse, etc...).
2- Travailler sa voix mais aussi son oreille.
3- Lire à haute voix tout ce qui vous passe sous les yeux.
4- Assister à des séances en studio et suivre des cours en conditions réelles.
5- Développer sa culture audiovisuelle. S'inspirer de ce qui existe, se cultiver, vibrer de l'égrégore d'un spectacle ou d'une œuvre.
6- Se faire coacher. Je conseille le livre de Noëlla Finzi, les formations de John Berebi ou de L'INA…
7- S'entrainer énormément en solo et avec d'autres artistes.
8- Oser pour doser. Accueillir sa créativité, laisser place à son enfant intérieur.
Quelle expérience vous a le plus aidé dans votre carrière ?
Me former avec les bonnes personnes (comme Peter Tournier, IMDA, Rhinocéros, etc) qui connaissent le corps humain, les émotions, la voix et la scène. Pratiquer la musique et le chant a aussi été très formateur. Des années de développement personnel m'ont permis de goûter à la présence, à l'énergie et à la magie du travail artistique. La danse m'a aussi donné une aisance très utile pour le mouvement et la respiration qui se ressent dans la voix et dans le chant.
Mon travail de prof/formateur m'a aussi beaucoup aidé à comprendre le rapport scène/publique et émetteur/récepteur, c'est aussi une forme de spectacle et de transmission.
Des envies professionnelles ?
J'aimerais travailler davantage dans la publicité, et travailler avec des grands DA comme Stéphane Cornicard par exemple…
Et bien sûr continuer à faire beaucoup de narrations de documentaires, et doubler des dessins animés, pourquoi pas tous les jours !
Un projet en ce moment ?
Je suis actuellement en train de concevoir des stages qui feront le lien entre travail artistique, développement personnel et thérapie. Je suis passionné du monde du psychocorporel, et être artiste c'est à la fois se connaitre et se déconstruire. J'ai envie de transmettre toutes ces expériences !
Retrouvez Jacques Obadia, sa voix et son expérience sur sa page Voxing Pro.