"Je joue avec le placement de mes dents et mes joues pour trouver la bonne posture, la bonne voix" : le comédien de voix français, Mathieu Barrabès, nous en dit plus sur sa carrière dans la voix.
Comment avez-vous décidé de devenir voix ?
En 2009, alors que j'avais déjà fini mes études de théâtre, je me suis intéressé de plus près au doublage. J'étais au lycée franco-japonais de Tokyo dans lequel j'ai donné des cours de théâtre pendant un an. Vivre, respirer et rocker dans le Grand Tokyo était incroyable. C'était une si belle expérience d'habiter dans un autre pays : rencontrer de nouvelles personnes, découvrir la culture… et surtout les Live House (salles de concerts) ! J'ai compris que tout était donc possible et que je pouvais réaliser mes rêves.
En rentrant du Japon, je me suis lancé dans la formation Voix-off de Lorenzo Pacino, que j'ai complété avec Arnaud Clergue du studio Bellagio. Cela m'a permis de maîtriser toutes les spécialités de la voix-off, d'avoir de bonnes démos pour lancer ma carrière. Ensuite en février 2015, j’ai suivi un stage de doublage en compagnie du directeur artistique Mathieu Richer, que proposait Rhinocéros Formation à Paris.
Une expérience voix marquante ?
En 2020, je suis passé sur C8 et j’ai remporté le 3ème prix dans le cadre du concours de lecture organisé par l’émission « Voyage au bout de la nuit ». Cela m’a permis de me confronter à ce bel exercice de la langue française. Je suis un amoureux des textes de notre patrimoine.
Quelles qualités sont importantes pour réussir ?
Mes débuts dans l'industrie n’ont pas été faciles. Dans ce métier, la partie artistique n’est pas suffisante, c’est la partie émergée de l’iceberg en quelque sorte. La partie marketing est importante. J’ai donc commencé par démarcher les productions de publicité de radio locale afin de « bouffer du micro » et d’acquérir l’expérience nécessaire pour proposer mes talents à d’autres projets et d’autres spécialités.
D'autre part, je pense que le théâtre, la musique et le jeu d'acteur sont les choses les plus importantes pour réussir une carrière dans la voix. Savoir exprimer ses émotions et ses sentiments, en y développant un aspect artistique est très important étant donné qu'on nous demande de réaliser différentes émotions pour chaque projet et chaque client. Et puis, aimer les textes, les rythmes et la poésie est important pour être bon dans chaque session et dans chaque situation.
Votre rituel avant une audition, une séance d'enregistrement ?
Avant une audition, j'aime manger du chocolat noir et boire un bon café. Pour me préparer pour mes séances par contre, je fais beaucoup d'exercices de respiration, ça m'aide beaucoup !
Quels types de projets sont vos favoris ?
J'aime beaucoup faire du doublage de jeux vidéos et de films/séries car j'adore rentrer dans la peau d'un personnage. En fait, en tant que comédien de voix, que ce soit dans les doublages ou dans les voix-off, on est obligés de jouer un rôle… dans chaque projet on le fait ! L'un de mes rôles favoris était lorsque j'ai joué un dragon dans un jeu vidéo. J'ai adoré ça !
Comment donner vie à un personnage ?
Donner une âme à un personnage grâce à sa voix, c’est génial ! On donne de son âme dans le jeu. C’est éprouvant mais tellement amusant !
Parfois, les clients m'apportent des photos des personnages qu'ils ont créé. Dans ce cas-là, c'est plutôt simple de trouver la bonne voix. Je cherche la voix qu'il faut et joue avec mes dents et mes joues pour trouver la bonne posture générale, la bonne position et puis la bonne voix.
Cette technique relève du travail du comédien qui nécessite une recherche intérieure mais qui demande une véritable maîtrise vocale. Cela demande des efforts de la part des cordes vocales mais aussi du corps et de l’esprit. Quand on parvient à réunir les trois pour donner cette illusion, c’est une vraie joie, car tout le monde s’amuse. Trouver la bonne intonation c’est trouver la bonne émotion.
Quelques noms avec qui vous avez déjà ou rêveriez travailler ?
J'ai adoré travailler avec Marc de Georgi et Mathieu Richer.
J'adorerais travailler avec Jenny Gérard car c'est autant une excellente formatrice à la technique du doublage qu’une directrice artistique hors pair. Elle parvient toujours à faire ressortir le meilleur d’un comédien pour servir un personnage. Par exemple, pour le doublage de "Retour vers le futur", elle a demandé à Richard Darbois d’aller au-delà de sa tessiture et trouver ainsi la voix adéquate au personnage de Biff Tanenn. Résultat : l’illusion est parfaite. On ne reconnaît pas la voix grave de Richard Darbois. Jenny Girard a dirigé tous les grands films dont je suis fan comme "Highlander" ou "Men In Black" ou même encore "Mad Max" ! Du très bon travail.
Des projets futurs ?
Je viens de terminer un beau projet avec Blue Okapi qui sera ensuite diffusé sur France TV. J'ai hâte !
Quel est votre plus grand rêve professionnel ?
Faire du doublage à Paris afin de retrouver le charme des studios parisiens et des plateaux de doublage, sentir la présence des partenaires comédiens et comédiennes comme sur une scène de théâtre. Mais au vu de la conjoncture sanitaire actuelle, c’est aussi possible via mon home-studio. Je le pratique déjà avec des productions pour Netflix par exemple.
Je rêverais aussi de jouer dans un film en tant qu'acteur. J’aime beaucoup le travail d’Eric Tolédano et Olivier Nakache : un film comme "Intouchables" ou "Hors-Normes". Albert Dupontel aussi pour son travail sur "Au revoir là-haut". C’est le cinéma que j’aime. Mais je suis aussi passionné par des films comme L’heure du loup d’Ingmar Bergman qui me rappelle le théâtre de Jon Fosse ; ou bien encore Série noire" d’Alain Corneau. Des films comme ceux réalisés par Jim Jarmusch : "Ghost dog" et "Broken Flowers" : époustouflant ! Pour moi, les films de ces réalisateurs sont dignes d’un Vermeer, d’un Picasso ou d’un Latour. Si en plus on y ajoute la musique d’Aaron, alors là c’est la cerise sur le gâteau ! C'est donc dans ces genres de films que je rêverais un jour de jouer !
Retrouvez Mathieu Barrabès, sa voix et son expérience sur sa page Voxing Pro.
